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23 juin 2005

Fortune de Mer

                  

Ali était capitaine du «Ker Abou d’Jan» depuis de nombreuses année. Sur ce vieux rafiot, il avait caboté sur toutes les côtes de l’Atlantique, de la Méditerranée et même de l’Océan Indien.
Né dans une tribu des homme bleu de Mauritanie, l’homme était pourtant destiné à voguer sur d’autres vaisseau, et ce n’était qu’à l’age de 13 ans qu’il découvrit la mer pour la première fois à Nouakchott.
Ce fut le coup de foudre  et il ne  quitta jamais plus ce nouveau désert de sel et d’eau.
Pécheur en pirogue, mousse sur un chalutier, matelot dans la marine marchande… il grimpa tous les échelons jusqu'à devenir à 35 ans capitaine du «Ker Abou d’Jan» vieux caboteur battant pavillon sénégalais.
Le bateau était très vieux, mis à la mer dans les années 30, il accumulait avarie sur avarie et il y régnait en permanence une odeur douceâtre d’iode, de rouille et de moisissure… mais Ali l’aimait ce vieux compagnon déglingué.

Pour cette dernière campagne, le «Ker Abou d’Jan» devait livrer un chargement d’huile d’Argan à st Malo pour une société de cosmétique Bretonne.
Ali et son rafiot rouillé n’étaient jamais remontés autant au nord, et pour ce faire en plus de son petit équipage mauritano-sénégalais l’armateur avait engagé un bosco Brestois qui devait leurs assurer le passage de la mer d’Iroise sans problème.
Et en effet tout se déroula bien jusqu'à cette avarie de barre qui survint en plein coup de vent juste après avoir doublé Ouessant.
Les forts vents d’ouest jetèrent le navire tous droit sur les cottes Léonardes et c’est ici, sur les roches du pays Pagan en la commune de Kerlouan que vint s’abîmer le «Ker Abou d’Jan».

Le caboteur ne reprendrait plus la mer, une grande voie d’eau balafrait son flan tribord, par chance aucun matelot ne fut victime de cette fortune de mer, tous avaient été sauvés par les sauveteurs et furent rapidement rapatriés vers leur port d’attache.
Seul Ali resta à bord, il ne voulait pas quitter son vieux compagnon et tous les marins du monde savent bien qu’on ne laisse pas un navire sans marin à bord sur les cotes du pays Pagan car les gens d’ici obéissent encore aux anciennes lois de la mer.

10 ans Ali resta sur son rafiot accroché au granit Pagan. Pour manger il descendait de temps en temps à terre pour effectuer de menu travaux chez les paysans les goémoniers, et pour les communes avoisinantes.
Le reste du temps, il restait sur le «Ker Abou d’Jan» a rafistoler de-ci de-là, a peindre sur la rouille pour camoufler les souffrances de son ami et à écouter le chant des navires sur sa vielle radio de bord.
En dehors de ses travaux à terre, il n’entretenait aucune relation avec les gens d’ici, ceux-ci avaient bien trop peur de cet homme noir assez insensé pour ne pas vouloir quitter son épave, certains disaient même qu’il était parent avec l’Ankou.

On dit pourtant que certaine nuit une jeune fille nommée Jenovefa  le retrouvait sur son navire endormi…
On dit aussi que c’était en tout bien tout honneur , comme ça juste pour parler d’ici et de là-bas…
On dit qu’il aurait même appris le Breton d’ici et que ça faisait rire Jenovefa  de l’entendre parler avec son accent étrange…
On dit encore qu’ils se disaient qu’un jour Ali trouverait assez d’argent pour réparer son bateau et qu’il emmènerait Jenovefa voir les sables de son enfance …
On dit … mais on dit tant de chose.

Toujours est il qu’une nuit de décembre une tempête plus grosse que les autres libéra le «Ker Abou d’Jan» de sa prison de cailloux et qu’au matin l’homme et le bateau avaient disparu … jamais on ne les revit.

Aujourd’hui si vous venez par les grèves de Kerlouan, vous rencontrerez peut-être une vielle femme tout de noir vêtu et portant un étrange foulard bleu autour de la tette. Vous la trouverez sûrement à regarder la mer magnifique répétant sans cesse la même phrase dans une langue étrange.
Ne la questionnez pas, cela fait longtemps quelle n’est plus d’ici et ce n’est pas elle qui vous dira que ses mots sont un proverbe Maure qui veut dire: "La beauté du monde est faite de sa misère".

©Textes et dessins Yann Le Rousic

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Commentaires
A
Pour bien commencer, il faut commencer ici...<br /> Je suis partie par le fond de ton blog pour visiter et apprendre ton coeur et ton esprit, du peut être une partie.<br /> Très amicalement...
Y
... "La beauté du monde est faite de sa misère".<br /> est réelement un proverbe Maure.
Y
un grand merci à tous les deux...<br /> pour les mots, je fais ce que je peux...<br /> pour les images, je fais de mon mieux...
M
vos images aussi (dessins et photos) sont superbes!<br /> <br /> a+<br /> Melen
A
Je viens de decouvrir votre blog et je trouve vos ecrits bien racontés :-)<br /> Bonne soirée !
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