Lettre impudique
Monsieur,
Vous me demandez si la poésie est pour moi un besoin vital ?
Je ne sais trop … à l’origine je suis plutôt peintre …
C’est par ce médium là que je communiquais l’incommunicable…
Car s’agissait bien de ça : le sortir de moi le sourd bouillonnement qui nouait mon ventre.
Les mots me faisait peur.
Pour moi la parole c’était la raison, l’intime n’y avait pas sa place,
les mots me mettaient en danger…
je les trouvais trop dans la littéralité.
Et l’écrit ?
Oh l’écrit … je pensais qu’il m’était interdit, je me pensais analphabète…
Irrémédiablement nul en orthographe des bataillons de profs
avaient réussi à m’en persuader…
Je ne n’écrivais plus, rien, pas une lettre, pas une carte postale...
Je disais même « je peint et je dessine car je ne sais pas écrire ».
Je lisais beaucoup certes, mais du sens, des donnés... pas des mots!
ma bibliothèque se remplissait d’ouvrages scientifiques, sociologiques, historiques, politiques…
mais plus de romans, plus de poésies.
Et puis un jour, très récemment, grâce à l’ordinateur
et la béquille des correcteurs d’orthographe, je me suis remis à écrire…
pour moi d’abord…
Et comme les mots sont faits pour voyager, j’ai succombé à la mode puérile des blogs …
et là, comme ils allaient être lus, il me fallait les respecter pour me respecter.
Peu à peu, je me suis mis à aimer ces noms, ces verbes, ces adjectifs que je honnissais,
vierge de littérature, je me retrouvais comme un migrant qui apprend une langue étrangère,
jouant avec les sons et les sens, jouissant des allitérations et des oxymores,
triturant avec un bonheur surpris et gourmand cette langue qui pour moi semblait nouvelle.
Je découvrais le besoin de poésie …
Et me remettais à en lire, Xavier Grall, Mac Orlan, Desnos,
Glenmor, Baudelaire, Yvon Le Men, Prévert, Tzara… et les Rappeurs aussi.
Aujourd’hui, oui, je pense que sans la poésie la vie me serait impossible…
Mais quand vais-je me remettre à peindre ?
Cordialement,
Yann