j’ai été
Moi aussi j’ai été
Ce fil cassé de coutures dans la maternité des doigts tordus
Cette main tremblante
Moi aussi j’ai été
Cet enfant prisonnier de terreur entrouvrant la nuit des mensonges
Ce fils voleur
Moi aussi j’ai été
Cette croix pendue de buis offerte à la sodomie d’un dieu mort
Cette cloche muette
Moi aussi j’ai été
Cette main branlante de sexe giclant la litanie des couches solitaires
Ce corps mendiant
Moi aussi j’ai été
Cet écolier noyé dans la panique des brillants avenirs certifiés
Ce cri de craie
Moi aussi j’ai été
Cette bêche qui se brise sur le dos de la pierre des promesses infidèles
Ce cul crotté
Moi aussi j’ai été
Cette gorgée d’Ecosse parlant de réconfort qui brûle les restes d’âmes
Ce verre brisé
Moi aussi j’ai été
Ce berger désemparé hurlant sur le troupeau des lendemains déchirés
Cette brebis effarée
Moi aussi j’ai été
Ce fils crachant d’incohérences généreuses sur la face meurtrie du père
Cet héritage aveuglé
Moi aussi j’ai été
Cette cuillère tordue de noir au blanchiment des illusions accumulées
Cette aiguille de sang
Moi aussi j’ai été
Cette gerbe nauséabonde de vin défigurée des trottoirs de la nuit affamée
Ce pavé amer
Moi aussi j’ai été
Ce pinceau collé dans la glue des couleurs interdites aux hommes inutiles
Cette toile crevée
Moi aussi j’ai été
Ce grand phare aveugle se jetant sur l’horizon naufragé des navires éteint
Ce noyé ridicule
Moi aussi j’ai été
Cette fille baisée dans l’oubli pissant des petits matins drapés d’amnésie
Ce mur frappé de sperme
Moi aussi j’ai été
Cette gloire éphémère décomptée des comptoirs debout sur des balbutiements
Ce tribun titubant
Moi aussi j’ai été
Ce drapeau misérable d’exclusion se justifiants d’ascendances réinventées
Ce blanc ce noir ce vide
Moi aussi j’ai été
Cette gwerz éructée de rhum glissant sur le zinc des insomnies Lorientaises
Cet oiseau englué
Moi aussi j’ai été
Cet homme pressé gesticulant dans l’épuisement des compromissions sociales
Ce temps comptable
Moi aussi j’ai été
Cette gifle puante de bière s’écrasant sur la joue de l’enfant des larmes
Cette plaie béante
Moi aussi j’ai été
Ce vieil orphelin au cœur hagard et aux mains tétanisées sur la douleur téléphone
Cet hôpital de nuit
Moi aussi j’ai été
Cette bouteille fébrile si bien cachée dans les odeurs d’un placard chaussures
Cette fuite d’ascendance
Moi aussi j’ai été
Cette boite remplie d’os abandonnés gisant seule prés du trou béant de l’aimé
Ce galet sur la tombe
Moi aussi j’ai été
Ces paroles cousues cherchant a en découdre avec toile usée du temps perdu
Ce fil
ratant
à jamais
le chas
de l’aiguille
© Yann Le Rousic